Duane Waxteen,
ancien Don de Tallawah Town, a été retrouvé assassiné en juin dernier. Nous l’avions suivi plusieurs semaines
pour retracer son parcours. Portrait :
« [Duane
Waxteen, le Don de Tallawah Town à Kingston], on le subodore, marche sur un fil
au-dessus d’un abîme de folie. (...) Parfois, son œil s'abîme comme dans un songe. Il semble alors
contempler le chaos frénétique de sa vie, mêlé de terreur, d'absurdité et
d'éclats de violence. (...) Autour de lui, de jeunes loups effrayants (...), les héritiers de cette humeur carnassière, (qui)
perpétuent pour cette génération la litanie de mort et de barbarie qui berce
Tallawah Town depuis toujours. (...) La plupart de ces gamins ne sont que
des “ p’tits cons ” avec de la boue plein le crâne. Abrutis par une existence
fracassée, éblouis par des chimères, ils disparaîtront sans laisser ni traces
ni regrets. Waxteen, en revanche, aurait pu devenir quelqu'un d'autre. (Mais sa mère aimait trop les badman et lorsque son père se fait descendre, elle n'a pas le choix et doit se réfugier) dans le ghetto le plus violent
de son époque, Waterhouse.
À
la force de ses poings, le petit Duane apprend à ses nouveaux camarades que les
mômes d'uptown ne sont pas tous des lavettes. Jusqu'à s'acoquiner avec le plus
terrible Don du coin, Sandokhan - figure ténébreuse des légendes urbaines
jamaïcaines (voir portrait).
“Un jour, des flics ripoux avec qui il était en affaires, lui ont volé
sa drogue. Tu sais ce qu'il a fait ? Il a enjambé le grillage du commissariat
et est allé flinguer les trois flics avant de ressortir, avec sa came et son
argent. ” Voilà à quoi ressemblent les héros d'enfance de Waxteen. Gamin
turbulent, il se fait un nom dans la partie basse de la ville, la plus âpre.
Avant d'y être interdit de séjour - sous peine de mort.(...)
Extrait : Les Gangs de Jamaïque, par T. Ehrengardt
Au début des
années 90, il monte se réfugier à Tallawah Town où il dort dans la rue, sur
Coldground Park, et où il se prend de passion pour la musique. La journée, il
écrit des textes qui tombent dans l'oreille d'un grand deejay. Ce
dernier lui achète quelques-uns de ses plus gros tubes, 25 livres pièce. (...)
Mais à 17 ans, tout bascule. “ Un type a essayé de violer ma sœur,
explique-t-il. Je lui ai collé 13 bastos dans la poitrine, en plein jour, au
beau milieu d'Ahcome Avenue. ” (...) Un fait d'armes resté impuni, faute de
témoins. (...) Après ce premier meurtre, Duane sort donc libre du commissariat,
sans une once de remord, le front baigné de triomphe. Il en rit encore : “ Je suis
allé boire une bonne bière ! ”
Aujourd'hui, lorsqu'il déambule dans son quartier, chaussé de sandales élimées,
un sac de supermarché en plastique à bout de bras, Duane n'a l'air de rien. On
aurait tort de le prendre pour un idiot même si, dans le fond, l'intelligence
ne s'impose pas comme son arme de prédilection. Non, ses brebis, il les domine
à l’instinct. Duane sent les gens. Lorsqu'il vous sonde, son regard est appuyé
jusqu'à la gêne, on jurerait qu'il vous renifle. À la moindre ambiguïté, il
relève légèrement la narine droite, son regard durcit, commence à se voiler…
baissez alors la tête, si vous ne vous sentez pas à la hauteur. Il n'y aura pas
d'autre avertissement. Duane est un mâle dominant. Et les chiens fous de sa
meute se feraient trancher la gorge pour prouver leur loyauté. Une
détermination dont nous allons bientôt être témoins.(…) »
Extrait : Les Gangs de Jamaïque, par T. Ehrengardt